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La loi des familles.

Par rodmann, samedi 30 mai 2015.

Après des vagues de haine déferlantes dans les rues contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, jusqu’à tout imaginer pour abroger la loi sur des fondements religieux et réactionnaires, après une ignoble tentative d’utilisation des enfants dans leur guerrilla, une autre revue de presse s’impose à propos de la « loi famille ».
Sylvain Mouillard retrace « deux ans de slogans de la Manif pour tous » dans Libération [1] et constate le recul du gouvernement pour la PMA et la GPA :
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Jol Presse [2] de son côté essaye de comprendre « le malaise de la Droite », via un entretien avec Gaël Brustier, chercheur en sciences humaines « Les élites de droite ont évolué vers un libéralisme culturel, à l’instar de Nathalie Kosciusko-Morizet ou Franck Riester, et en face d’eux se lève un peuple de droite qui se radicalise et que la crise précipite dans des paniques morales. (…) La politique n’exige pas d’être idéologiquement toujours claire. La droite a horreur de l’idéologie, elle va donc autoriser certains des siens à tenir un discours conservateur et dans un même temps ne pas se montrer fermée à tout progrès. Cette dualité existe depuis toujours à droite : tous les électeurs et les élus de droite n’étaient pas unanimement favorable à la légalisation de l’avortement. Du temps de De Gaulle, la droite était divisée sur la question des transplantations cardiaque, demain elle sera divisée sur la fin de vie. Le rôle de l’UMP c’est justement de gérer ces contradictions. »

Ce que Le Figaro [3] appelle « la saison 2 de la Manif pour tous » consiste à reprendre les hostilités au moment du vote par le Parlement européen du rapport Lunacek en faveur des droits LGBT, pour organiser « à Bruxelles, Luxembourg, Madrid, Rome, Bucarest, Budapest, Varsovie ou encore Riga, pour la première fois » des manifestations de haine. En effet « Le lobby réactionnaire sévit aussi en Europe » comme le titre Mediapart [4], qui s’était déjà attaqué au rapport Estrela : « il existe un précédent spectaculaire : le torpillage en règle, à l’automne, du rapport Estrela, du nom de sa rapporteure socialiste portugaise, Edite Estrela. Il s’agissait là encore d’un rapport d’initiative, qui réclamait en particulier un accès généralisé, pour les femmes, à la contraception et à des services d’avortement sûrs. Lors de débats houleux à Strasbourg, Edite Estrela fut huée, et Bruno Gollnisch (FN) très applaudi. Après un report de deux mois du vote, sur pression des conservateurs britanniques et polonais, c’est finalement une majorité serrée (334 contre 327) qui l’a emporté à la session de décembre, pour un texte réduit à une peau de chagrin affirmant... la primauté des États sur ces questions. Et c’en fut fini du rapport Estrela ».

Charlie Hebdo [5] résume très bien le fond du problème : « Pour l’amour de Dieu, haïssons le pédé ! » en dénonçant la répression qui se met en place contre les LGBT au Nigéria. En France st-ce que le fondement religieux s’est dissout dans le politique ? Pas vraiment, Sud Info [6] et Atlantico [7] ont bien lu dans Le Figaro [8] la dernière intervention de Christine Boutin « Je n’ai jamais condamné un homosexuel. L’homosexualité est une abomination. Mais pas la personne. Le péché n’est jamais acceptable, mais le pécheur est toujours pardonné. (…) J’ai des amis homosexuels. (…) Ils sont pécheurs comme je le suis, on est tous pêcheurs. Je suis dans le péché, moi aussi, je suis une pécheresse, mais vous ne me verrez jamais faire l’apologie d’un péché ». Le Figaro [9] relève quelques réactions, Jean-François Copé, Frank Riester, Sébastien Chenu de Gaylib… Comme le dit Atlantico [10] « Forcément lorsque l’on fait des déclarations chocs, il faut s’attendre à des réactions indignées », et justement « Les associations gay (LGBT) vont déposer plainte contre Christine Boutin ». Il s’agit de l’Inter-LGBT, par son président Jérôme Beaugé précise Jean-Marc Morandini [11]. Le genre de plainte qui finit souvent par un non-lieu comme pour « L’ancien député du Nord Christian Vanneste (ex-UMP), poursuivi pour complicité de provocation à la haine envers les homosexuels pour des propos tenus dans une vidéo diffusée en 2012, a été relaxé jeudi par le tribunal correctionnel de Paris » selon E-llico [12]. Mais Christine Boutin rétropédale quand même donc, via La Dépêche [13] par exemple.

« Face à la nouvelle mobilisation de la Manif pour tous, qui entend s’opposer à la PMA et la GPA, l’exécutif s’attache à désamorcer les craintes et à rectifier le tir sur sa communication » commente Le Figaro [14]. Nous avons déjà vu comment La Manif pour tous s’est développée, et le Ministre de l’Intérieur craint dans Le Figaro [15] « la création d’un Tea Party à la française ». Manuel Valls a donc décidé de reculer sur le programme présidentiel et annonce « que le gouvernement "s’opposera à des amendements parlementaires" sur la gestation pour autrui (GPA) et la procréation médicalement assistée (PMA) lors de l’examen du projet de loi sur la famille. Des propos qui ne sont pas du goût des députés PS » ajoute E-llico [16].

Manuel Valls sur RTL au micro de Jean-Michel Apathie :
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© RTL

Laurence Rossignol sénatrice socialiste de l’Oise répond à Ludovine de la Rochère sur France Inter dans le 7/9 de Patrick Cohen :
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© France Inter

Le Monde [17] titre sur une victoire de la Manif pour tous, surtout pour Ludovine de la Rochère, alors que « le président de l’UMP , Jean-François Copé, a dénoncé " la stratégie de François Hollande " consistant à " tout reporter à l’après-municipales, histoire de calmer le jeu. C’est très grave, ce qui se passe. On ment aux Français de manière absolument indigne" ». Yannick Moreau, estime qu’« il reste des ambiguïtés sur la PMA [procréation médicalement assistée], la GPA [gestation pour autrui] avec la circulaire Taubira qui n’est toujours pas abrogée, ou encore l“expérimentation du gender” dans 600 de nos écoles avec l’ABCD égalité ».

Le Figaro [18] se pose donc légitimement la question « Où va la droite ? ». Henri Guaino répond que « l’UMP est un rassemblement de différentes familles ancrées dans l’histoire politique française : radicaux, démocrates-chrétiens, gaullistes, néo-libéraux. Cela tient aussi au fait que la Ve République s’est bâtie contre le régime des partis et que l’élection du Président de la République au suffrage universel, qui est la rencontre d’un homme et du peuple, a profondément changé leur rôle. A gauche comme à droite, c’est le candidat à l’élection présidentielle qui définit la ligne politique non le parti » et de rejeter la responsabilité de la montée de l’extrême droite au PS « Du mariage pour tous à la Charte des langues régionales en passant par l’école, la fin de vie, la Justice, la complaisance vis-à-vis des communautarismes, la politique actuelle est devenue une entreprise sans précédent de destruction de toutes les institutions et des principes qui nous permettent de vivre ensemble. Le premier devoir de ma famille politique devrait être de s’y opposer ainsi qu’à cette façon de gouverner qui ne se reconnaît aucune limite, comme si tout pouvoir, aussi légitime fût-il, pouvait s’exonérer de se demander jusqu’où ne pas aller trop loin. ». Il est clair que la Droite est « désemparée », et Atlantico [19] essaye de comprendre pourquoi : « Tant que l’UMP n’aura pas clarifié ses positions doctrinales, il lui sera difficile de prétendre récupérer ce mouvement dans son intégralité. D’ailleurs, il semble bien qu’elle ne le cherche plus, contrairement au printemps dernier. En fait, elle ne le veut sans doute pas vraiment pour les raisons suivantes :
 par peur de créer des dissensions internes renforçant les facteurs d’implosion ;
 pour rester à l’écart d’un mouvement qui, à l’évidence, a fait sauter les barrières partisanes au sein de la droite ;
 et, enfin, parce que le risque de se couper d’une partie non négligeable de son électorat (les catholiques pratiquants, prédominants dans la Manif pour tous, représentent environ un quart des suffrages qu’elle engrange) est, en fait, mesuré.
 »

Bien évidemment, après le recul du gouvernement, la site adheos [20] cite Libération « la Fédération LGBT estime que le gouvernement et François Hollande « n’assument plus leur engagements, reniés par une suite hallucinante de reculades et de reniements successifs depuis des mois (…) Jean-Luc Mélenchon lors d’une manifestation à Paris contre le chômage et la précarité.Le coprésident du Parti de gauche a jugé lundi que la gauche était "trompée, répudiée", appelant à des "élections punition". "Avec le PS, la droite est cajolée, le Medef admiré, l’Eglise choyée. La gauche est trompée, répudiée", a déclaré à l’AFP Jean-Luc Mélenchon. "Notre heure viendra. J’appelle à des élections qui infligent aux listes gouvernementales une sévère punition"  ».

Le problème de l’absence de législation sur la GPA, le vide juridique qui rend des enfants inéligibles à l’obtention de la nationalité française, extrait du 20h de France 2 :
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© France 2

Même Le Figaro [21] doit bien se ranger du côté de Manuel Valls quand il « accuse l’UMP d’entretenir un "climat malsain" » : « Au regard des débordements violents, des slogans racistes et antisémites entendus lors de la manifestation "Jour de colère" l’inquiétude de Valls est légitime. Tout comme l’est la mise en garde qu’il lance aux opposants au mariage homosexuel lorsqu’il rappelle que l’on « ne revient pas dans la rue sur les choix du Parlement et du peuple ».

Et Najat Vallaud-Belkacem ministre des Droits des femmes « a estimé que "les manifestants défendent avec beaucoup de nostalgie un modèle familial unique qui appartient à un temps révolu", alors qu’il y a aujourd’hui "une vrai diversité des familles (…) Nous protégeons l’ensemble de ces familles. Nous ne portons pas de jugement (...), nous ne mettons pas de hiérarchie entre ces différentes familles" » rapporte E-llico [22].

Le Figaro [23] ne manque de souligner, que le la Manif pour tous compte bien influencer les élections, « le collectif a proposé aux candidats aux municipales de formaliser leur soutien à ses revendications en signant une charte », « Près de 2000 personnes se sont ainsi engagées à réclamer l’abrogation de la loi Taubira, à soutenir - à la présidentielle et aux sénatoriales - des candidats qui s’opposeront à toute légalisation de la PMA et de la GPA pour les couples homosexuels et à exiger que soit reconnue légalement la liberté de conscience des maires ». Pour le Parisien [24], « A entendre les hérauts de l’opposition à la loi Taubira, la thématique a bien influencé le 1 er tour du scrutin. "Ça a tiré la vague bleue qui émerge", estime Frigide Barjot, ex-leader de la Manif pour tous ».

Après le remaniement ministériel, Le Figaro [25] pointe que « Furieux de voir Christiane Taubira reconduite au poste de garde des Sceaux », « plus d’une centaine de manifestants réunis à l’appel de la Manif pour Tous se sont regroupés mercredi soir aux abords du ministère de la Justice (…) Parmi eux, l’ancienne ministre Christine Boutin, fervente opposante à la loi ouvrant le mariage aux homosexuels. "Nous voulons montrer que pour un certain nombre de gens, le maintien de Christiane Taubira au ministère de la Justice est une véritable provocation pour tout ce qui touche à la famille", a-t-elle expliqué. "Ce que nous souhaitons, c’est que la loi sur le mariage gay soit abrogée", a-t-elle ajouté, soulignant que les Français avaient "répondu de façon très claire dimanche dernier dans les urnes" ».
Mais dans un autre article [26], c’est la nomination de Laurence Rossignol à la Famille qui suscite des réactions « ce n’est pas exactement le geste d’"apaisement" qu’attendaient les opposants au mariage homosexuel. "Quel sens de la provocation !", s’exclame le député UMP Hervé Mariton. Quant à la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, le parcours de la nouvelle secrétaire d’État la laisse circonspecte : "Elle n’est pas connue du grand public, mais c’est une féministe radicale qui vient de la Ligue communiste révolutionnaire..." ».

Le rapport d’expertise « Filiation, origines, parentalité - Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle » commandé en 2013 par l’ancienne ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, en vue de préparer la loi dite « famille » est enfin rendu public en avril. L’Association des Parents Gay et Lesbiens [27] regrette l’abandon de la loi : « Ce rapport aborde ainsi divers sujets dont beaucoup font encore débat et dont certains n’ont d’ailleurs pas toujours remporté l’accord commun des expert.e.s qui ont élaboré ce travail : la GPA, la PMA (avec comme proposition d’instituer une "déclaration commune anticipée de filiation"), l’adoption, mais aussi l’accès aux origines (pour les enfants né.e.s sous X, adopté.e.s, ou né.e.s de PMA, avec comme propositions le recueil des informations relatives aux donneurs de gamètes et le maintien de son anonymat jusqu’à la majorité de l’enfant), la reconnaissance des beaux-parents (avec comme propositions l’établissement d’un "certificat de recomposition familiale"), ou encore la mise en place d’une paternité sous X »

Nicolas Gougain, ancien porte-parole de l’Inter-LGBT, a été naturellement déçu et a écrit une très belle tribune dans Le Monde [28] à lire en entier.

Pour conclure, le Noubel Obs [29] explique le 29 avril que « Laurence Rossignol, connue pourtant pour être une pro- mariage pour tous convaincue et une militante féministe engagée, a reçu des délégations de la Manif pour tous et de l’Avenir pour tous » et que dans le même temps, Manuel Valls était au Vatican pour assister aux cérémonies de canonisation des papes Jean XXIII et Jean-Paul II. Un agenda ministériel et un positionnement incompréhensibles, qui ferait presque oublier que « la promesse de François Hollande, lorsqu’il était candidat à la présidentielle, d’ouvrir ’le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels" (engagement 31), a été tenue. »



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Notes et bibliographie :